Description
Muhammad Hamidullah est l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages portant principalement sur la philosophie du droit et la diplomatie musulmanes, ainsi que de plus de 2 000 articles traduits dans une vingtaine de langues, dont nombre de publications ont eu lieu pendant qu’il travaillait au CNRS, et qu’il a personnellement rédigés dans cinq langues : l’arabe, l’ourdou, l’anglais, le français et l’allemand.
Parmi ces publications figure la découverte, traduction et commentaire d’un ouvrage de hadiths. Sa traduction du Coran en français parue en 1959 au Club français du livre, la première effectuée par un musulman, fit date et il fut assisté par Michel Léturmy. Cette traduction, intitulée Le Saint Coran, a été rééditée douze fois, entre 1959 et 1986. Cette traduction, qui fait autorité dans le monde francophone,
La traduction internationale sera révisée par la Ligue islamique mondiale avant d’être diffusée. L’Académie française lui décerne le prix pour un ouvrage écrit en langue française par un étranger en 1959.
Cette version a etait révisee en 2000 sous le haut patronage du complexe Roi Fahd pour L’impression du Saint Coran en Arabie Saoudite par :
-Le Docteur Mouhammad Ahmad LO
-Cheikh Ahmad Mouhammad Al-Amine AL-CHINQUITI
-Cheikh Fodé Soriba CAMARA
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La traduction française de Muhammad Hamidullah, telle que révisée par le Complexe du roi Fahd (2000)
Mouhamadoul Khaly Wélé: La traduction du Coran en français que nous présentons ici est certainement celle qu’il est le plus facile de trouver sur internet. Bien qu’elle soit généralement attribuée à Muhammad Hamidullah, il s’agit en réalité d’une version remaniée d’après le texte original de ce traducteur.
Muhammad Hamidullah : éléments de biographie : Le travail de Muhammad Hamidullah, réalisé avec le concours du traducteur et historien des religions Michel Léturmy (1921-2000), paraît en 1959. Il est réédité une quinzaine de fois entre cette date et l’an 2000 : le nombre des rééditions change selon qu’on prend en compte ou non les éditions pirates. Quoi qu’il en soit, cette traduction est souvent considérée comme la première version en langue française réalisée par un musulman. Elle est toutefois précédée par des traductions musulmanes moins connues, à savoir celles d’Ahmed Laïmèche et Benaouda Ben Daoud (1931), d’Octave Pesle et Ahmed Tidjani (1936), et d’Ameur Ghédira (1957).
Hamidullah naît le 19 février 1908 à Hyderabad, ancienne principauté musulmane, devenue aujourd’hui capitale de l’État indien de Telangana. Issu d’une famille d’érudits musulmans sunnites, il s’initie aux sciences islamiques à l’institut théologique al-Ǧāmi‘a al-Niẓāmiyya, établissement d’enseignement supérieur à visée confessionnelle, fondé en 1876. Il rejoint par la suite l’Université ‘Uṯmaniyya, toujours à Hyderabad, où il obtient un diplôme en droit musulman international. Il reçoit également en Arabie Saoudite le titre de ḥāfiẓ (« حافظ »), décerné à celui ou celle qui a appris par cœur l’intégralité du Coran. Envoyé par son université en Allemagne pour ses recherches, il soutient en 1932 une thèse de doctorat sur « le principe de neutralité dans le droit musulman international » (« Die Neutralität im Islamischen Völkerrecht ») à l’Université de Bonn. Il acquiert également, trois ans plus tard, un autre doctorat ès lettres en Sorbonne pour une thèse intitulée : « Documents sur la diplomatie musulmane à l’époque du Prophète et des Khalifes orthodoxes ». Il retourne dans le sous-continent indien après son séjour d’étude en Europe pour enseigner le droit musulman dans son ancienne université, mais son opposition à l’annexion de Hyderabad par le nouvel État indien le contraint à s’exiler à Paris en 1948. Il y élit domicile jusqu’en 1996.
Installé désormais en Europe, Hamidullah poursuit ses recherches sur l’islam tout en effectuant quelques séjours à l’étranger, en particulier dans l’État nouvellement créé du Pakistan, où il participe à la rédaction de la constitution en 1950, et en Turquie, où il se rend régulièrement pour enseigner à la faculté de théologie de l’Université d’Istanbul. Il se présente, d’ailleurs, comme professeur au sein de ladite université dans la première édition de sa traduction du Coran. Il est nommé en 1954 sur un poste de maître de recherche au CNRS grâce au soutien de l’homme qu’il appelait « maître », à savoir l’orientaliste et islamologue catholique Louis Massignon (1883-1962), et avec l’appui d’Henri Laoust (1905-1983), spécialiste de la pensée hanbalite.
Évoluant dans un contexte où les Frères musulmans sont en pleine expansion, Hamidullah côtoie des membres de ce mouvement, dont Saïd Ramadan (1926-1995), lui-même gendre du fondateur, Hassan el-Banna (1906-1949). Actif dans le dialogue islamo-chrétien en France comme en témoignent ses articles sur ce thème, il s’investit par ailleurs dans l’encadrement de jeunes musulmans français en fondant notamment l’Association des Etudiants Islamiques de France (AEIF) en 1962, soit une décennie après avoir contribué à la création du premier centre culturel musulman dans l’Hexagone. Sa traduction du Coran semble d’ailleurs s’inscrire dans la démarche consistant à faire connaître l’islam aux musulmans européens de langue française par le biais d’un de leurs coreligionnaires. On peut encore déceler le même souci dans ses écrits, comme dans cet article intitulé « Le Saint Coran des Musulmans », où il recommande aux lecteurs de privilégier les traductions musulmanes du texte : « il faut préférer les traductions faites par des Musulmans, pour ne pas risquer du subjectivisme de ceux qui n’y croient pas ».
Des problèmes de santé liés probablement à son âge avancé (88 ans) le poussent à quitter la France en 1996 pour s’installer en Floride, à l’invitation d’un membre de sa famille. Il décède aux États-Unis en décembre 2002.
L’œuvre de Muhammad Hamidullah
Hamidullah écrit dans plusieurs langues (français, anglais, urdu, arabe, turc, allemand, etc.). Il compte à son actif une quarantaine d’ouvrages et un nombre considérable d’articles, parmi lesquels on recense à peu près cent soixante-quatre écrits en français. La place des musulmans dans le sous-continent indien est un de ses centres d’intérêt. Mais l’essentiel de son œuvre est consacré à des thèmes relatifs au droit islamique, au Coran, à la Sīra, c’est-à-dire à la biographie du prophète de l’islam : il étudie par exemple l’activité diplomatique de Muḥammad ou l’articulation entre pensée économique et religion musulmane.
La traduction du Coran par Hamidullah se caractérise pourtant par un style qu’il a voulu fidèle à l’original, au risque parfois de dérouter le lecteur non-arabophone. À titre d’exemple, le terme Naṣārā (« نصارى »), traduit généralement par « chrétiens », devient « Nazaréens » chez lui ; mais il prend le soin de préciser dans les gloses que cela signifie les « chrétiens » et rajoute, dans son commentaire du verset 113 de la sourate ii : « Nāṣira, – Nazareth – est le pays de Jésus. Le mot n’est pas péjoratif ». Car l’auteur est manifestement mû par le désir « de transposer le Coran en français comme il le récite en arabe ; avec une Foi nue », comme le souligne Louis Massignon dans la préface de la première édition. C’est donc dans une perspective confessionnelle que Hamidullah compose sa traduction, d’où sa longue introduction, très laudative, dans laquelle il traite un certain nombre de sujets tels que le style du Coran, l’histoire de sa rédaction, son contenu, l’ordre de ses versets, l’intérêt particulier qu’il porte aux « Gens de la Bible » et non aux autres religions, la question de la femme dans le texte.
Les réviseurs de la traduction publiée en 2000
Cette seconde révision, que nous reproduisons ici, est réalisée sous la direction de trois personnalités religieuses africaines : Fodé Soriba Camara, Mohamed Ahmed Lo et Ahmad Mouhammad al-Amine al-Chinquity, respectivement de nationalités guinéenne, sénégalaise et mauritanienne. On veillera à ne pas confondre le dernier avec Mohammed al-Amine ash-Shinqiti (1905-1974), homme de religion très connu, de nationalité mauritanienne lui aussi.
Fodé Soriba Camara est un ancien traducteur, diplomate et ministre des affaires islamiques en Guinée. Il est connu pour avoir notamment publié en arabe une Étude de la traduction des sens du Coran en français par Régis Blachère (Dirāsat tarǧamat ma’ānī al-qur’ān al-karīm ilā l-luġat al-faransiyya al-latī a‘addahā riǧis balāšīr). Il y conteste les compétences de Blachère en arabe et l’accuse de « poursuivre le même objectif commun à tous les orientalistes, à savoir combattre le Coran ». « Ils disséminent », ajoute-t-il, « mensonges et calomnies dans leurs traductions afin de convaincre les lecteurs que le Coran est l’œuvre du prophète Muḥammad […] ». C’est dire que l’étude en question craint peu les excès de la polémique et les tendances à l’essentialisme qui en découlent. Elle est à ce jour disponible sur le site du Complexe du roi Fahd, parmi les travaux consacrés aux « Traductions incorrectes ».
Formé à l’Université de Médine, Mohamed Ahmed Lo est l’une des figures les plus connues du salafisme en Afrique de l’Ouest, notamment au Sénégal, son pays. Cette notoriété tient largement à son principal ouvrage sur le soufisme, intitulé La Sacralisation des individus dans la pensée soufie (Taqdīs al-ašḫāṣ fī al-fikr al-ṣūfī) : un ouvrage qui recense et dénonce les pratiques et croyances selon lui « déviantes » et « étrangères à l’islam » qui prévaudraient dans ce courant mystique de la religion musulmane.
Enfin, Ahmad Mouhammad al-Amine al-Chinquity (mort en 2013) était un spécialiste de la jurisprudence malikite et de l’exégèse coranique. Il a travaillé au ministère des affaires étrangères mauritanien, puis au ministère de l’information saoudien, avant de s’installer définitivement en Arabie Saoudite, et plus précisément à La Mecque, où il a enseigné jusqu’à sa retraite. Son ouvrage le plus connu est sans doute Les Grâces divines dans les argumentations de Khalil (Mawāhib al-ǧalīl min adillat ḫalīl), un commentaire du célèbre abrégé de jurisprudence malikite L’Abrégé de Khalil (Muḫtaṣar ḫalīl) : le malikisme est l’une des quatre écoles juridiques du sunnisme, majoritaire au Maghreb et en Afrique de l’Ouest.
Les trois réviseurs qui viennent d’être mentionnés sont tous théologiens. Mais seul Fodé Soriba Camara est aussi traducteur professionnel de l’arabe vers le français. On pourrait avancer, non sans précaution, l’hypothèse selon laquelle leurs noms définissent un certain lectorat, peut-être visé prioritairement par le Complexe du roi Fahd : le lectorat des francophones d’Afrique subsaharienne. On dénombre en effet, selon une estimation de 2016, plus de quatre-vingt-quatorze millions de francophones dans cette partie du continent africain, avec une forte proportion de musulmans en Afrique de l’Ouest.
Caractéristiques de la traduction révisée en 2000
Dans ce qui suit, nous allons décrire quelques caractéristiques de la version présentée ici. Pour ce faire, nous la comparerons avec l’édition révisée et complétée par Hamidullah, telle que parue en 1977 au Club Français du Livre, maison qui avait déjà donné la première édition.
Pour ce qui est de la traduction en français du nom Allāh (« الله »), Hamidullah tranche en faveur du terme « Dieu ». Dans sa lettre ouverte au roi Fahd, il argue que c’est l’usage dans certains pays non-arabophones du monde musulman :
On le fait depuis plus de mille ans sans gêne en persan, urdu, turc, etc. Et en effet l’expérience montre que le mot « Allah » chez les non-musulmans signifie le Dieu des Musulmans et non le Dieu universel de tout le monde.
Les traducteurs du Complexe conservent tout de même la forme arabe car, affirment-ils, « c’est ainsi qu’Il est désigné dans le Coran ». En revanche, ils utilisent « Dieu » et « divinité » pour rendre le nom ilāh (« إله »). Et quand ce nom renvoie à « Allah », ils le traduisent généralement par « Dieu ». Mais quand il vaut pour un nom commun, c’est le terme « divinité » qu’ils privilégient. Encore arrive-t-il qu’ils traduisent la même expression différemment selon la sourate, ce qui peut donner le sentiment d’un certain arbitraire : on comparera par exemple ii, 163 et xvi, 22, où revient la même phrase, « wa-ilāhukum ilāhun wāḥid ». Dans le texte de Hamidullah, cette inconstance est absente.
Par ailleurs, la version révisée se distingue par plusieurs changements opérés dans la traduction des titres de sourates. Pour ne citer que quelques cas, dans la traduction donnée en 1977 par Muhammad Hamidullah, les sourates v, vi, viii, xviii et xxx sont intitulées : « Le plateau servi », « Les limbes », « Les dépouilles », « La grotte » et « Les Byzantins ». Ces titres deviennent ici : « La table servie », « Al-Araf » (non traduit), « Le butin », « La caverne » et « Les Romains ».
Sur les vocables issus de la racine trilitère s-l-m (« سلم »), les deux traductions se rejoignent souvent. En guise d’exemple, Muhammad Hamidullah et ses réviseurs s’accordent pour rendre muslimūn (« مسلمون ») et aslama (« أسلَم ») par « soumis » et « soumettre », comme en xi, 14 et iv, 125. De même, il y a accord entre eux sur salm (« سَلْم »), lorsqu’il est traduit en xlviii, 35 par « paix ». Mais des remaniements importants peuvent aussi survenir : Hamidullah rend, par exemple, les termes islām (« إسلام ») et silm (« سِلْم ») par « Soumission » comme en iii, 19 et ii, 208, tandis que les traducteurs de la version révisée préfèrent traduire ces deux termes par la forme translittérée « islam », ce qui renvoie plus explicitement à la foi musulmane.
Toutefois, la matrice est la même : priorité est donnée, dans les deux traductions, à la conformité avec l’avis majoritaire dans l’exégèse classique sunnite. Et cet attachement commun à l’exégèse a pour corollaire une fidélité semblable à la langue source : fidélité qui prévaut sur l’attention à la langue cible. Mais les dissemblances éventuelles des deux textes n’en sont que plus remarquables. Et il est clair que cet extrait de iii, 85, dans la traduction Hamidullah, semblera assez accueillant pour le lecteur non-musulman : « quiconque désire une autre religion que la Soumission [à Dieu], de celui-là ce ne sera point reçu ». Il l’est beaucoup moins dans sa traduction révisée par le Complexe du roi Fahd : « quiconque désire une religion autre que l’Islam, ne sera point agréé ». Deux approches différentes du même verset sont alors nettement perceptibles.
L’orientation idéologique propre à la version révisée se remarque encore à propos d’un terme comme Naṣārā (« نصارى »), traduit tantôt par « Nazaréens », tantôt par « Chrétiens », selon que le passage est favorable ou pas à ces derniers. Soit les versets 62 et 113 de la sourate ii, qui date de l’époque médinoise. Le premier est traduit comme suit :
Certes, ceux qui ont cru, ceux qui se sont judaïsés, les Nazaréens, et les sabéens, quiconque d’entre eux a cru en Allah au Jour dernier et accompli de bonnes œuvres, sera récompensé par son Seigneur : il n’éprouvera aucune crainte et il ne sera jamais affligé.
Le second est ainsi rendu :
Et les Juifs disent : « Les Chrétiens ne tiennent sur rien » et les Chrétiens disent : « Les Juifs ne tiennent sur rien », alors qu’ils lisent le Livre ! De même ceux qui ne savent rien tiennent un langage semblable au leur. Eh bien, Allah jugera sur ce quoi ils s’opposent, au Jour de la Résurrection.
Étant donné que le terme « Nazaréens » renvoie souvent aux premiers chrétiens, d’origine juive, le choix interprétatif opéré en ii, 62 laisse à penser que les chrétiens actuels ne sont pas concernés par la promesse divine. En ii, 113, le choix est tout différent et tendrait plutôt à souligner que l’avertissement de Dieu s’adresse bien à eux.
En conclusion : les raisons d’un succès
En dépit de ces observations sur la version révisée, il faut convenir que celle-ci est rédigée dans un français plus accessible et, pour tout dire, plus correct que celui de Muhammad Hamidullah : à la lecture de sa correspondance, mais aussi du jugement prononcé par Jamel Eddine Bencheikh, on aura en effet compris que la syntaxe de ce dernier pouvait laisser à désirer, ce qui s’explique en partie par sa situation de francophone non-natif. Cela dit, le succès de cette version révisée ne tient probablement pas tant à sa qualité linguistique qu’au fait que les autorités religieuses saoudiennes ont décidé de la promouvoir en la distribuant gratuitement. Cette très grande diffusion justifie certainement qu’on la présente ici, mais elle doit faire l’objet de la même contextualisation que toutes les autres traductions du Coran.
(SOURCE : https://coran12-21.org/fr/contextes/hamidullah)
Observation sur les droit d’auteurs : Toujours fidèle à lui même par son altruisme, le Professeur Hamidullah dans ses dernière volantés que les droits d’auteurs de reproduction de la traduction soit ouverte et libre. Qu’Allah Agrée son geste.
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